Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 17 septembre 2015
Interview

Marie-Hélène Amiable : « Le problème n'est pas partisan : c'est une question d'intérêt général »

Maire-Info
© D.R.
Toute la semaine, Maire info donne la parole à des maires de toutes tendances politiques pour savoir les raisons de leur mobilisation, samedi 19 septembre, contre la baisse des dotations. Aujourd'hui, Marie-Hélène Amiable, maire PC de Bagneux (Hauts-de-Seine). Pour elle, cette baisse des dotations est « drastique et brutale », et va porter préjudice aux habitants.

Combien la ville de Bagneux va-t-elle perdre, cette année et les suivantes, sur son budget ?
En 2015, c’est un million d’euros en moins. Ensuite, ce sera -2,4 millions en 2016 et -3,6 millions en 2017. C’est une baisse qui est considérable, comme partout, même si nous sommes dans une situation particulière. Vu la quantité de logements sociaux dans la commune et le fait que nous avons des quartiers prioritaires, nous bénéficions d’une part importante de péréquation. Nous touchons la dotation de solidarité urbaine et nous sommes éligibles au Fonds de solidarité de la région Île-de-France. Si ce n’était pas le cas, la baisse serait encore plus brutale ! Sans la péréquation, qui augmente un peu cette année, nous perdrions 1,6 million au lieu d’un million.
Cela ne va pas sans poser de problème : aujourd’hui, notre part de péréquation est équivalente à ce que nous touchons en dotations classiques. Ce qui n’est pas une bonne chose : cela fragilise le budget, car ces dotations de péréquation sont soumises à des décisions de politique nationale qui peuvent facilement varier d’un gouvernement à l’autre.

Vous perdez donc un million d’euros cette année. Autrement dit, lorsque le président de la République affirme que la baisse des dotations n’impactera que les communes les plus riches, et non les communes populaires…
C’est une contre-vérité ! Je ne crois pas que l’on puisse dire que Bagneux est une commune riche, avec un revenu fiscal de 22 400 euros par habitant (alors que dans le reste du département il est de 39 740 euros), et 67 % de logements sociaux. Nous avons pourtant un million de perte nette, ce qui représente, pour nous, l’équivalent de 4 points de fiscalité supplémentaire.

Vous allez augmenter les impôts de 4 points ?
Non, car nous avons anticipé cette baisse, qui était annoncée dès avant les élections de 2014. Nous avons joué sur plusieurs leviers – comme le font je crois tous les maires : nous avons certes augmenté les impôts d’un point et demi, mais nous avons surtout réduit le budget des services et baissé en moyenne de 5 % le budget aux associations. Et nous avons engagé des efforts sur l’emploi public : nous restructurons certains services, tout simplement parce que lorsque l’on a moins de recettes, il faut essayer de regarder du côté des salaires. Quant aux investissements, nous les diminuons de 4 millions d’euros par an. Ce qui a un impact direct sur l’emploi local. Il y aura moins de travaux dans les écoles, moins d’entretien du patrimoine, moins de projets nouveaux. On s’en tient à ce qui est indispensable pour assurer la sécurité dans nos bâtiments.

Comment vous préparez-vous à la journée de samedi ?
Nous sommes très mobilisés – d’autant plus que dans une ville très populaire comme Bagneux, la population est frappée de plein fouet par la crise. Nos besoins sociaux explosent, la paupérisation de la population est plus rapide qu’ailleurs, tout simplement parce qu’il y a plus de logements sociaux qu’ailleurs. J’ai donc appelé les habitants à se mobiliser : j’ai envoyé un courrier à tous les habitants. Lorsque l’on appelle la mairie au téléphone, on entend un message enregistré qui appelle à la mobilisation et à signer la pétition de l’AMF. J’ai donné rendez-vous à chacun samedi à 11 h à l’hôtel de ville. Je prendrai la parole, puis nous irons tous ensemble sur la place du centre-ville, où nous organiserons une manifestation originale. Cet été, nous avons pris en photo de nombreux citoyens de la ville avec des pancartes contre la baisse des dotations. Samedi, nous allons afficher toutes ces photos sur la place du centre-ville et nous demanderons aux gens de témoigner sur les raisons de leur soutien à notre action.

Quel regard portez-vous sur cette mobilisation qui réunit dans la même protestation des maires de toute tendance politique –du Parti communiste jusqu’aux Républicains ?
Oui, c’est bien une journée qui est conçue autour d’une unité, autour d’un constat que nous partageons tous : la baisse des dotations est drastique, brutale, et va porter préjudice aux habitants. Tous les maires, quelle que soit leur appartenance politique, savent que cela ne peut pas marcher. Cela ne veut pas dire que nous sommes d’accord sur tout, évidemment ! Notamment sur les solutions qu’il faut apporter en matière de réduction de la défense publique. Moi, par exemple, j’estime que les milliards d’euros qui sont octroyés aux entreprises au titre du CICE ne résolvent visiblement pas le problème du chômage, et seraient mieux employés ailleurs… par exemple dans les collectivités. Ce point de vue ne sera pas partagé par d’autres maires, membres d’autres partis. Mais encore une fois, nous partageons le constat d’une situation dangereuse.
J’ajoute que ce qui est complètement nouveau à mes yeux, c’est le fait que cette manifestation associe les citoyens. Il me paraît très positif que l’AMF ait choisi d’inciter les maires à informer les habitants et à leur demander de prendre part au débat. Ce sont eux qui sont directement concernés !
Quand on arrive à une situation où tous les maires – aussi bien ceux qui appartiennent au même parti que le gouvernement que ceux qui sont dans l’opposition – et les citoyens eux-mêmes disent que ça ne va pas, cela veut bien dire que le problème n’est pas partisan. C’est un problème d’intérêt général.
Propos recueillis par Franck Lemarc

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