« Les traités bilatéraux négociés par l’UE doivent protéger toutes les filières agricoles »

Éric Andrieu est eurodéputé et vice-président de la Commission de l’agriculture du Parlement européen. Photo : DR

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Éric Andrieu est l’un 74 eurodéputés français siégeant au Parlement à Bruxelles. Très impliqué dans les affaires agricoles, depuis 2012, il défend une politique agricole construite pour servir l’intérêt des agriculteurs. Originaire du Languedoc, l’homme est attaché à la défense de la viticulture européenne à l’international mais aussi lors des réformes proposées par la Commission.

Les traités bilatéraux ont occupé les débats politiques en 2016. L’agriculture est concernée. Entre les États-Unis et l’Union européenne les négociations sont à l’arrêt, notamment avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. Est-ce une bonne chose selon vous ?
Éric Andrieu :
Oui, car après plus de trois années d’âpres discussions, le TTIP, tel qu’il était négocié, ne répondait à l’évidence pas aux intérêts européens et français. De l’aveu même de certains fonctionnaires européens, force est de constater que les négociations ont été jusqu’ici déséquilibrées et il n’y avait pas de réciprocité dans les offres échangées entre les deux grandes puissances commerciales. Cela est en particulier vrai pour l’agriculture européenne qui fait l’objet d’une vaste offensive de la part des États-Unis.
Ces derniers souhaitent à tout prix ouvrir les portes du marché européen à leur agro-business, ce qui constitue une menace directe pour tout un pan de notre agriculture et en particulier nos productions les plus fragiles comme l’élevage. Et ce d’autant plus que les négociateurs américains refusent obstinément de reconnaître nos indications géographiques, véritable expression d’une agriculture de qualité favorable au développement des territoires.
Pour ce qui est du secteur vitivinicole, nous demandons à la Commission européenne de protéger de manière pleine et entière les appellations d’origine vinicole aux États-Unis, y compris les 17 dénominations (burgundy, chablis, champagne, chianti, claret, haut sauterne, hock, madeira, malaga, marsala, moselle, port, retsina, rhine, sauterne, sherry et tokay) qui sont considérées comme « semi-génériques » sur le territoire américain. De même nous devons rester vigilants sur les pratiques œnologiques et sur les mentions traditionnelles.

Le traité entre le Canada et l’UE, lui, continue de se construire. Quelles conséquences peut-on attendre sur le commerce de denrées agricoles et notamment du vin ?
E. A. :
En ce qui concerne le Ceta, le Parlement européen donnera – ou non – son approbation en février 2017. En fonction de ce vote, l’accord entrera ou pas en application provisoire. Le Ceta prévoit que plus de 90 % des produits agricoles et agroalimentaires européens seront exportés au Canada sans droits de douane. Et réciproquement pour les produits canadiens en Europe.
Pour les vins et les spiritueux, l’élimination des droits de douane s’accompagnera de la levée d’autres obstacles au commerce, ce qui améliorera l’accès au marché canadien. En ce qui concerne les indications géographiques, le Canada en reconnaît 173, dont 42 dénominations françaises, s’ajoutant aux appellations viticoles déjà reconnues dans un accord datant de 2003.
Mais le Ceta ne fait pas l’unanimité dans les milieux agricoles. Il est par exemple fortement redouté, à juste titre, par la filière bovine qui, on le sait, est déjà à bout de souffle. Pour cette filière, ce n’est pas uniquement cet accord qui présente une difficulté. C’est dans l’accumulation des concessions dans les négociations en cours et à venir (TTIP, Mercosur, etc.), que réside le problème. Nous devons en tenir compte.

Et le Brexit ? A-t-il une incidence sur le budget et le calendrier des réformes européennes concernant la viticulture ?
E. A. :
Pour l’instant pas. Le Royaume-Uni n’est pas encore sorti de l’UE. S’il devait confirmer sa sortie il y aura des implications budgétaires mais la viticulture émarge très peu au budget de l’Union. Les plus grosses difficultés se poseront avec la politique commerciale de l’UE. Le Brexit fera sortir le Royaume-Uni de l’union douanière et rétablira des frontières entre l’UE et le Royaume-Uni. Le Royaume-Uni deviendra un pays tiers avec les conséquences que cela peut impliquer sur l’accès à son marché.

Nous demandons à la Commission européenne de protéger de manière pleine et entière les appellations d’origine vinicole aux États-Unis, y compris les 17 dénominations semi-génériques.

Au Parlement européen, quel est le rôle de l’Intergroupe Vins dont vous êtes membre ?
E. A. :
La Commission européenne a lancé des travaux visant à mettre en conformité la réglementation vitivinicole avec le Traité de Lisbonne. Les professionnels se plaignent de la méthode et craignent une remise en cause des règles spécifiques qui s’appliquent au secteur. L’objet de cet intergroupe Vins dont je suis le vice-président est d’assurer un suivi continu des discussions et les travaux en cours mais aussi de permettre un dialogue régulier entre les représentants du monde viti-vinicole et la Commission européenne. Il s’agit enfin de coordonner l’action des parlementaires issus de groupe politiques distincts mais sensibles à la problématique de la filière viti-vinicole. Le Parlement dispose en effet d’un droit de veto sur les actes délégués qui seront adoptés par la Commission européenne dans ce domaine.

Comment faites-vous pour connaître les attentes du terrain, les problématiques des viticulteurs ?
E. A. :
Élu de la plus grande région viticole de France (Aquitaine, Occitanie), je m’efforce de rencontrer chaque semaine des acteurs sur le terrain.
Certaines petites structures agricoles gagneraient cependant en s’organisant et en se regroupant pour peser davantage en amont sur les décisions prises à Bruxelles. Ces dernières se doivent de refléter les intérêts de tous les producteurs, et pas seulement ceux qui ont les moyens de se faire représenter dans la capitale européenne. D’où ma démarche d’aller sur le terrain à la rencontre des producteurs, autant que mon agenda me le permet, pour parvenir à une législation équilibrée pour l’ensemble des producteurs et consommateurs européens.

Article paru dans Viti Leaders n°422 de février 2017

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