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Algérie. Quand les islamistes profitent du vide politique laissé par le Hirak

Le Mouvement de la société pour la paix (MSP, proche des Frères musulmans) propose de « criminaliser l’usage de la langue française » et le recours à la charia « comme l’une des sources de la législation ». Un message de radicalité à l’adresse des franges extrémistes.

Les islamistes algériens refont surface dans l’actualité politique. Se préoccupent-ils de la crise sanitaire, de l’effondrement de l’économie parallèle et du chômage des jeunes, du sort des salariés subitement sans ressources, du pouvoir d’achat en berne, de la pauvreté croissante ? Que nenni ! Le Mouvement de la société pour la paix (MSP, proche des Frères musulmans) se saisit de l’avant-projet de réforme constitutionnel en cours pour rebondir sans surprise sur le terrain identitaire, espace privilégié du discours populiste. Son bureau exécutif propose tout bonnement de « criminaliser l’usage de la langue française dans les institutions et les documents officiels » et de considérer la charia « comme l’une des sources de la législation ».

Les autorités travaillent à contenir le Hirak

Cette « sortie » est évidemment en décalage avec la réalité de la société algérienne, avec les attentes de sa jeunesse et les grandes tendances de son évolution, mais peu importe. L’objectif est de faire du buzz et de lancer surtout un message de radicalité en direction des courants extrémistes, de rameuter ces troupes en roue libre afin de renforcer son assise. Le MSP tente ainsi de doubler ses rivaux du même camp en tirant profit du vide politique laissé par le Hirak. Et la période est des plus propice. Les autorités travaillent à contenir cette vague contestataire, la traque des militants bat son plein sur les réseaux sociaux et les parquets suivent, mais pas seulement. Une offensive politique fait par ailleurs écho au discours des islamistes algériens. « Le retour par petites touches du « qui-tue-qui ? » est flagrant et devient pour tout observateur une action concertée entre les islamistes en Algérie et à l’étranger, la chaîne Al Magharibia, l’association islamiste Rachad, dont le porte-parole est Mourad Dhina, membre connu du FIS dans les années 1990 et son porte-parole à l’étranger, certains universitaires et d’autres qui jouent sur leur passé et se proclament du Hirak », écrit Farouk Mohammed-Brahim, hospitalo-universitaire à la retraite, dans une tribune publiée par le Soir d’Algérie.

Le Qatar toujours dans le paysage politique

Selon des sources concordantes, le Qatar est l’un des financeurs des organisations citées. En résumé, le MSP profite ainsi d’une opération de blanchiment des intégristes islamistes pour les crimes de la décennie noire. Il surfe sur la campagne de mise en cause de l’armée et de réhabilitation du courant islamiste, escomptant tenir bonne place dans le nouveau paysage politique. L’adhésion de la jeunesse qui n’a pas vécu cette tranche d’histoire épouvantable est un enjeu essentiel. Ceci, d’autant que les tentatives répétitives de récupération du Hirak, à travers les slogans et les thèmes de mobilisation, ont jusque-là fait long feu.

L’extrémisme, vingt ans après la fin de la décennie noire

Le regain de l’obscurantisme et de l’intolérance fait aussi l’affaire des islamistes. Des individus se proclamant « soldats de Dieu » contre « le danger de l’art de la rue » vandalisent une fresque murale dans un quartier populaire de la capitale réalisée en 2014 lors du festival de street art Djart. L’acte soulève l’indignation des internautes, les autorités interviennent, la justice est actionnée après des aveux et des menaces des auteurs sur les réseaux sociaux. Les dirigeants islamistes restent de marbre, pas un mot, pas une ligne. « Vingt ans après la fin de la décennie noire en Algérie, on reprend doucement le chemin de l’extrémisme. Je considère cela comme du terrorisme culturel. (…) Il y a une énorme intolérance dans ce discours. Nous connaissons la chanson : cela commence par dénigrer les arts et la culture, avant de cibler petit à petit les libertés sociales », dénonce le street artiste Slimane Sayoud. Hirak en suspens forcé, économie plombée par la pandémie et la chute des prix du baril, moral des ménages au plus bas, détresse de la jeunesse, tensions sociales, atteintes aux libertés et climat répressif… par les temps qui courent, les islamistes algériens sont finalement comme un poisson dans l’eau. Ils ne sont même plus en embuscade.

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