Réforme de l’assurance-chômage : les intermittents du spectacle et de l’emploi donnent de la voix

Les « vendredis de la colère » se sont poursuivis le 4 juin, prolongeant le mouvement d’occupation des théâtres. Cette mobilisation des travailleurs précaires intervient notamment en réaction à la réforme de l’assurance-chômage. Une colère entretenue par la mise à mal progressive des statuts particuliers, dont la crise a révélé les failles.

Sur la ligne 11 du métro parisien, direction Porte-des-Lilas, les rames étaient bondées aux alentours de 14 heures ce vendredi. Musiciens, techniciens, maîtres d’hôtel ou encore professionnels du cinéma s’étaient donné rendez-vous pour une action à l’initiative du Snam-CGT, le syndicat des artistes musiciens. Une soixantaine de personnes, dont un quart était présentes lors de l’occupation du Théâtre de l’Odéon, et d’autres militants, venus de la France entière, ont convergé vers la direction générale de Pôle emploi.

Parmi elles, Jordane, venue spécialement de Lyon pour cette action. Cette cheffe-opératrice de cinéma n’est pas affectée directement par la réforme de l’assurance-chômage, mais elle affiche sa solidarité avec les autres travailleurs intermittents et précaires, venus forcer le dialogue avec une administration sourde aux revendications déjà portées devant les directions régionales.

Une demande : le retrait du texte

L’objectif du jour est d’obtenir une entrevue entre la délégation et le directeur général de Pôle emploi. La principale demande des travailleurs intermittents est l’abandon de la réforme de l’assurance-chômage, dont l’application est prévue au 1 er juillet. Une réforme qui modifiera la méthode de calcul des indemnités.

Aussi, le rétablissement de l’annexe IV, qui régissait le statut des intermittents hors spectacle, est-il demandé. Plus largement, c’est la facilitation de l’accès au statut d’intermittent, le droit à l’accompagnement et au calcul juste des indemnités qui sont réclamés à l’établissement public chargé de l’emploi en France.

Dans le hall, les banderoles ont couvert les murs du bâtiment administratif : « Nous ne paierons pas votre crise » ; « Nous stopperons la réforme de l’assurance-chômage ». Entre deux chants militants, les manifestants évoquent une hausse des inégalités, intensifiées par la crise sanitaire et économique. Les queues devant les distributions alimentaires s’allongent. Les problèmes de logement se multiplient dans leur entourage. Ils dénoncent une déconstruction des services publics et du droit du travail.

Une « politique générale antisociale »

Jordane s’inquiète d’un élargissement du nouveau modèle d’indemnisation dans son secteur, suite logique d’une « politique générale antisociale ». C’est pour cela qu’elle était présente lors du mouvement d’occupation du Théâtre national populaire de Villeurbanne et qu’elle compte bien poursuivre son combat pour un meilleur statut.

La prolongation de l’année blanche décrétée par le gouvernement n’est à ses yeux pas suffisante. Seule une extension des droits jusqu’à un an après la reprise effective du travail permettrait aux intermittents du spectacle de sortir de la pression que représente cette échéance du 31 décembre. Cette période en conduit certains à accepter des contrats qui ne correspondent pas à leur véritable profession. Tel est le cas de Frédéric, un régisseur son au look de rocker, tendance grunge. Il travaille aussi comme technicien et machiniste pour faire ses heures.

Des parcours de vie bouleversés

Des précaires d’autres secteurs, comme ceux des métiers de l’hôtellerie-restauration, étaient également présents. Avant la suppression de leur régime d’intermittence en 2014, ils bénéficiaient d’un statut comparable à celui de leurs collègues du spectacle, grâce à l’annexe IV. Depuis sa suppression, leur précarité s’est accrue et les conséquences de la crise sanitaire la rendent insoutenable dans ces secteurs particulièrement touchés.

Devant la porte tambour, Stéphane et Philippe, deux maîtres d’hôtel en fin de carrière, évoquent leur difficulté à trouver du travail alors que leurs droits vont s’éteindre le 1 er juillet. Et ensuite ? Ils ne savent pas. Mais ils voient autour d’eux des parcours de vie bouleversés par le manque de ressources, des déménagements forcés et des séparations de couples. Des dégradations majeures des conditions d’existence qui parfois poussent au suicide.

Surdité gouvernementale

Ces travailleurs s’estiment oubliés et ne comprennent pas cette suppression de l’annexe IV. Emmanuelle, une accompagnatrice de voyage, s’agace de la volonté de ne pas comprendre les spécificités de sa profession. Une surdité gouvernementale encouragée par le faible nombre de professionnels de ces métiers.

Dans l’idée de gonfler les troupes sous la bannière des « intermittents de l’emploi », Emmanuelle s’est engagée dans la Fédération des métiers intermittents : tourisme, événementiel, culture (Fmitec), qu’elle porte déjà depuis de nombreuses années. Son objectif, comme celui des autres organisations syndicales présentes : que Pôle emploi soit un service public de l’emploi et de la formation professionnelle à la hauteur des enjeux de la période.


à lire aussi

Emploi : comment le Medef veut imposer le CDI senior

Social et Économie

Publié le 24.03.24 à 17:27

« Je suis un SDF actif » : Patrick, conducteur de bus dort tous les soirs dans sa voiture

Social et Économie

Publié le 1.01.24 à 16:44

Les métiers de Noël : Avec Franck et Stéphane El Baz, organisateurs de fêtes pour enfants

Social et Économie

Publié le 21.12.23 à 14:17

Vidéos les plus vues

Gabriel Attal : 100 jours après, l’arme contre le RN qui fait pschitt

Publié le 18.04.24 à 10:00

Ennéagramme, dérives sectaires : que se passe-t-il chez Fleury Michon ?

Publié le 16.04.24 à 15:24

#Bolchegeek FALLOUT : le mensonge des Trente Glorieuses

Publié le 14.04.24 à 12:00

« On reste à Paris » : la Marche des Solidarités en soutien aux mineurs isolés de la Maison des métallos

Publié le 13.04.24 à 12:06

« Groupes de niveau » : trier les élèves, ça ne marche pas

Publié le 12.04.24 à 18:05