Covid-19. Les médecins ne veulent pas de patients à la porte

De nombreux praticiens sont vent debout contre la mise en place du passe sanitaire pour entrer dans les hôpitaux. Pour eux, il s’agit d’une discrimination contraire à leur éthique.

Au Syndicat national des médecins hospitaliers FO comme chez de nombreux médecins, l’obligation de passe sanitaire pour les familles et les patients souhaitant accéder à l’hôpital, hors urgences, instaurée dans le dernier projet de loi sanitaire, ne passe pas. Cyrille Venet, secrétaire général du syndicat, rappelle le serment d’Hippocrate, texte fondateur de la déontologie des médecins : « Je ne permettrai pas que des considérations d’âge, de maladie ou d’infirmité, de croyance, d’origine ethnique, de sexe, de nationalité, d’affiliation politique, de race, d’inclinaison sexuelle, de statut social ou tout autre critère s’interposent entre mon devoir et mon patient. » Pour cet anesthésiste-réanimateur, limiter l’accès des patients aux soins hospitaliers est contraire à l’éthique de l’hôpital public :  « On ne peut pas décemment interdire l’entrée à l’hôpital à une famille ou à un patient selon qu’il ait un passe ou pas. »

« C’est quasiment criminel de faire ça »

Déjà, il s’inquiète d’une sélection des patients qui aurait commencé dans certains établissements, avant même l’entrée en vigueur de cette mesure. « Dans un hôpital français, il y avait un patient qui avait une fracture du fémur et pas de passe. Les soignants ont attendu les résultats d’un prélèvement PCR pour l’opérer. Alors que ça ne posait pas de risques, même si le patient était positif. C’est quasiment criminel de faire ça. Si ça m’arrivait, je porterais plainte ! » Au total, ce jeune patient a dû attendre quatre jours pour cette opération, considérée comme une urgence relative à opérer sous vingt-quatre heures. Marie Kayser, du Syndicat de la médecine générale, s’inquiète aussi d’un renoncement aux soins qui intervient alors que la crise sanitaire a déjà éloigné quantité de patients des hôpitaux. « Le nombre de dépistages et d’examens avait énormément diminué lors des premières vagues. Et on a à nouveau un risque en termes d’aggravation des problèmes de santé chez les gens. Il est impensable que certaines personnes ne puissent pas aller faire d’examens hors urgences. »

Cette mesure pose aussi, en creux, la question des inégalités face à la vaccination. « Ça conduit à une mise à l’écart d’une partie de la p opulation qui n’a pas forcément eu accès aux vaccins pour des difficultés d’accès au numérique, pour des questions de priorité, déplore Marie Kayser. Or, on sait qu’il s’agit de personnes déjà éloignées des soins, issues de milieux défavorisés. » L’Union syndicale de la psychiatrie, qui s’oppose également à cette instauration du passe sanitaire, s’inquiète en particulier pour les patients atteints de pathologies psychiatriques, dont nombre d’entre eux ne peuvent se faire vacciner, ni passer de tests virologiques sans l’accompagnement d’un soignant. « Ils n’ont pas à subir de nouveau, comme lors du confinement de mars à mai 2020, des ruptures de suivi, au risque de les fragiliser, les isoler, les amener potentiellement à une aggravation de leur état et à une nécessité de soins en urgence », met en garde l’organisation.

Pour Cyrille Venet, qui a combattu le Covid pendant de longs mois dans son unité de réanimation, cette contestation du passe sanitaire hospitalier ne doit pas être associée à l’opposition à la vaccination, qu’il soutient, mais bien à une mesure allant à l’encontre de l’intérêt des patients. Et dont la mise en place pourrait être complexe. « Le contrôle du passe sanitaire demande des moyens qu’on n’a pas. Faire faire des contrôles à des personnels hospitaliers, au lieu de soins, c’est insensé ! » Médecins et soignants ont commencé à se réunir pour construire leur lutte contre ce tri des patients. Déjà, certains hôpitaux sont appelés à la grève contre cette mesure et la vaccination obligatoire des soignants.

Car, en plus de cette limitation d’accès aux soins hospitaliers, le service public pourrait lui-même être dégradé pour tous à cause de l’entrée en vigueur de l’obligation vaccinale des personnels hospitaliers. « Je connais beaucoup d’infirmières qui envisagent de partir à cause de cette pression, témoigne l’anesthésiste. Ça va contribuer à aggraver la situation des hôpitaux, déjà compliquée. »


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