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Projet, stratégie, luttes… le PCF à l’heure des choix

Dès ce vendredi et jusqu’à dimanche, quelque 800 communistes se réunissent à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) pour le 38e congrès du PCF. Un rendez-vous inédit au cours duquel Fabien Roussel devrait succéder à Pierre Laurent comme secrétaire national.

Le 38e congrès du PCF qui va débuter à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) n’aura pas d’extraordinaire que le nom. Il est déjà inédit sur plusieurs aspects. La préparation de ce congrès convoqué après le séisme de 2017 a elle aussi été secouée par ses répliques. Le texte de « base commune » de la direction sortante s’est vu devancé début octobre par une proposition alternative (« Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle ») avec 42 % des voix, contre 38 %. Puis deux candidats se sont déclarés « disponibles » pour le poste de secrétaire national. Une épineuse question sur laquelle a planché mardi la commission des candidatures du PCF, avec une proposition à la clé qui sera soumise aux congressistes ce dimanche. Le député du Nord Fabien Roussel devrait ainsi succéder comme secrétaire national à Pierre Laurent, qui pourrait devenir président du conseil national.

Tout n’est pas réglé pour autant. « Il y a des avis, des analyses, parfois des opinions divergentes qui s’expriment, le congrès a la charge de les instruire », estime Olivier Dartigolles. « Contrairement à ce qui peut se passer ailleurs, notamment dans les nouveaux mouvements, des milliers de communistes se sont emparés du débat réel », ajoute le porte-parole du PCF. Ces dernières semaines, des milliers d’amendements ont en effet émergé des congrès locaux et ont donné lieu à une nouvelle version du texte, livrée aux congressistes ce vendredi. « Avec un texte alternatif court et préparé rapidement, celui-ci avait des carences », admet André Chassaigne, qui en avait été l’un des principaux initiateurs avec les économistes du PCF ou encore des communistes dits plus orthodoxes.

« Ceux qui s’attendaient à une lutte fratricide en seront pour leurs frais »

Dans les rangs du PCF, on estime que la guerre de tranchées redoutée pourrait être bel et bien désamorcée. « Les observateurs qui s’attendaient à une lutte fratricide en seront pour leurs frais », se réjouit Olivier Dartigolles, se félicitant que la « proposition de Pierre Laurent », formulée lundi dans nos colonnes, a permis de concevoir une direction qui, si elle « n’est pas bicéphale », pourrait « être très positive ». Proposé comme secrétaire national, Fabien Roussel s’est lui aussi félicité de ce « premier pas » et a appelé à l’unité « pour travailler dans la fraternité, dans le respect des idées des uns et des autres et surtout dans le respect des choix des communistes ».

Toutes les crispations ne se sont pas pour autant éliminées. Cette « main tendue » n’est pas à la hauteur pour Elsa Faucillon, l’une des signataires d’un autre texte alternatif (« Pour un printemps du communisme »), qui avait recueilli 12 % : « Les mêmes qui nous font des appels du pied proposent 4 signataires du “printemps” au conseil national et ont exclu, parfois totalement, les sensibilités non majoritaires des directions locales. » La députée dénonce aussi un « arrangement de sommet » et une « unité de façade » pour laquelle « le débat de fond semble avoir peu d’importance ». Si l’élue des Hauts-de-Seine refusera de participer à la future direction, les animateurs du « printemps » n’ont pas encore tranché quant à la présentation d’une liste « alternative ».

Sans compter que cette question ne résume pas à elle seule tout le débat. Au centre de celui-ci : « l’effacement » du PCF dénoncé dès juin par les partisans du « manifeste ». Si le PCF perd du terrain depuis de longues années à la présidentielle (des 21 % de Jacques Duclos en 1969 aux 1,93 % de Marie-George Buffet en 2007, en passant par les 8,64 % de Robert Hue en 1995), il est aussi crédité de 1 à 3 % d’intentions de vote dans les sondages pour les prochaines élections. Le nombre de ses militants lui aussi se réduit. 30 841 communistes ont participé au scrutin interne d’octobre contre 39 692 votants lors du 34e congrès en 2008. Même si la sphère communiste est bien plus large (entre les adhérents à jour ou non de cotisations qui n’ont pas participé, les sympathisants et autres « compagnons de route »), tout le monde s’accorde sur le constat. « Il y a un affaiblissement, personne ne peut le nier », abonde Nathalie Simonnet, membre de la direction sortante et secrétaire départementale de Seine-Saint-Denis. Reste que les avis divergent, tant sur ses causes que ses remèdes. La version initiale du « manifeste » estime qu’il « a pour cause principale des choix politiques initiés par (les) principaux dirigeants (du PCF) et obstinément poursuivis malgré les alertes et les échecs », pointant en particulier l’absence de candidat communiste à la dernière présidentielle. « Malheureusement, je ne pense pas que cela remonte seulement aux deux dernières décennies », réplique Nathalie Simonnet, qui dénonce le piège de la présidentielle puisque « pour exister dans le paysage politique il faut y concourir au détriment du rassemblement et, à la fin, c’est la droite qui gagne ». Avec Elsa Faucillon, la critique se fait plus virulente : « Plutôt que de raconter qu’il y a un effacement souhaité, on devrait s’interroger un peu sérieusement sur la crise du communisme partout en Europe. »

Mais les stratégies électorales devraient occuper une partie des débats du week-end. Pour Nathalie Simonnet, dont la fédération avait voté à 63 % le texte de la direction, la position du PCF ne peut être « une démarche de ralliement où on considérerait avoir les meilleures propositions, le meilleur programme et où ça suffirait à convaincre les gens ». « Réussir un rassemblement » suppose « deux conditions », souligne pour sa part André Chassaigne : « se refaire les muscles pour être respecté et pouvoir peser, et ne pas retomber dans les accords d’appareil ». Autrement dit « promouvoir une identité communiste ne signifie pas un repli sur soi », assure le député. Les européennes de mai prochain représenteront un premier exercice pratique. « J’espère que les communistes vont maintenant nous donner un mandat clair sur ce scrutin, qui nous permette dès lundi prochain de nous mettre au travail et d’engager cette campagne. C’est l’urgence du moment », estime Fabien Roussel, alors que le « manifeste » ne tranche pas pour l’heure sur la stratégie de rupture avec les traités ou la sortie de l’union, défendue par certains.

Sur le fond, d’autres sujets pourraient aussi cristalliser les débats. Le « manifeste » défend « une vision tronquée de la crise du capitalisme », il ne « s’attaquait jusque-là à la crise que sur l’aspect financier », reproche Nathalie Simonnet, qui redoute que « cela ne conduise à considérer un combat, celui qui porte sur l’économie, la finance, le travail, comme supérieur aux autres. Or l’écologie, le féminisme, l’antiracisme… tous doivent s’articuler ». Rien de définitivement perdu toutefois pour Olivier Dartigolles : « Nous pouvons nous rassembler sur des choix clairs tout en pointant des sujets sur lesquels il va nous falloir continuer de travailler. » Sans oublier la bataille du quotidien à laquelle Fabien Roussel a prévu d’inviter ce week-end : « Un mouvement de colère s’exprime en ce moment, le Parti communiste doit porter une revendication forte de hausse des salaires et des pensions. La hausse du Smic, c’est le 1er janvier, ce doit être notre perspective. »


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