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Disparition. Paul Seban, grand réalisateur du petit écran

Il a débuté sa carrière au cinéma comme assistant réalisateur. Il a choisi la télévision. Il nous laisse en héritage des films et reportages remarquables.

Paul Seban est né le 21 octobre 1929 à Sidi Bel Abbès, en Algérie. Il est mort le 1er juillet. Son nom ne vous dit peut-être rien, mais il fut l’un des grands réalisateurs, journalistes-reporters de la télévision française durant les années 1960 aux côtés de Marcel Bluwal et Marcel Trillat. Seban a toujours défendu l’idée qu’un réalisateur de télévision était un auteur, quelqu’un qui a un point de vue, pas un simple porteur de caméra. C’est cette conception du métier qu’il a toujours défendue et qui a contribué à donner ses lettres de noblesse au petit écran. Pendant plus d’une décennie, il va réaliser de nombreux reportages pour Cinq colonnes à la une et le Monde en quarante minutes. Mais aussi des magazines tels Lectures pour tous, Portrait souvenir, Trésors français du cinéma muet et quelques épisodes de Dim, Dam, Dom.

Filmer la jeunesse

La télévision sera une belle et grande parenthèse dans sa longue vie de cinéaste. C’est effectivement au cinéma qu’il fait ses débuts comme assistant de Renoir (French Cancan, 1955), Marcel Carné (les Tricheurs, 1958), Claude Chabrol (les Godelureaux, 1961) ou Orson Welles (le Procès, 1962). Mais dès 1960, il réalise pour la télévision Square des Batignolles, un court métrage de 16 minutes sur une bande de blousons noirs de ce quartier, encore populaire, de Paris. Un intérêt pour la jeunesse, qu’il filme en France comme en Yougoslavie ou en Irlande, qui débouchera en 1968 sur À la recherche du temps futur, réalisé pour l’émission Caméra 3 et diffusé entre janvier et mai 1968.

Audace, inventivité et talent

Militant communiste, syndicaliste fondateur du Syndicat français des réalisateurs de télévision (SFRT-CGT), dont il sera le secrétaire de 1972 à 1979, c’est un réalisateur qui n’a pas froid aux yeux et dont l’audace, l’inventivité et le talent seront, tout au long de sa carrière, la marque de fabrique. En 1969, il réalise avec la complicité entre autres de Marcel Trillat la CGT en Mai 1968 pour réhabiliter le rôle de la première centrale syndicale. Le 6 juin 1979, il filme la distribution du journal communiste de Simca-Chrysler de Poissy, Action, aux portes de l’usine. La caméra est placée en hauteur et surplombe la scène, somme toute anodine. Croit-on. Il est 15 h 54. Les ouvriers à pied, à mobylette ou en voiture attrapent au vol le journal. 15 h 50, les militants sont soudain violemment agressés par des nervis. Seban filme tout, la rapidité et la violence de l’action. Puis repasse la scène au ralenti, avec des arrêts sur image, plan par plan, fléchant les principaux protagonistes – des nervis et des cols blancs -, tous membres de la CSL, un syndicat à la solde des patrons qui a semé la terreur dans les usines jusque dans les années 1990.

Engagement en tout plan

En 1968, il réalise Indonésie. Seban y rencontre tous les protagonistes du coup d’État militaire de 1965, des généraux sanguinaires à Suharto en personne, qui tous racontent, face caméra, sans sourciller, la répression sanglante, systématique pour éradiquer les communistes indonésiens. Un documentaire exceptionnel, une construction filmique implacable qui fait froid dans le dos.

En 1987, Paul Seban tourne (Notes non écrites) Sur les musiques d’Algérie. Il suit son ami et poète Kateb Yacine qui revient au pays natal. Kateb parle de musique et de couscous, du langage de la musique, qui « n’est pas le langage du savoir mais le langage des sentiments ». Magnifique…

Réalisateur singulier, foncièrement indépendant, libre de ses mouvements, son engagement est perceptible dans tout ce qu’il filme, qu’il crée des documentaires sur Delacroix, Baudelaire ou Monteverdi. Il n’hésitera pas à laisser un tableau de Vermeer à l’écran pendant sept minutes, un plan fixe sans musique, ni commentaire. Il justifiera ce procédé par sa volonté de rendre actif le téléspectateur. Qui, aujourd’hui, oserait filmer ainsi ?

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