États-Unis. Le syndicalisme en poste restante à Amazon

La multinationale a réussi son opération de dissuasion dans l’Alabama, où une majorité des salariés ont rejeté la création d’une section du RWDSU. D’autres votes s’annoncent.

Mis à jour le 30 août 2023 à 17:12

L e géant du web a réussi son coup. Opération de com, chantage à peine voilés à l’emploi et peut-être fraudes : Amazon n’a pas lambiné afin d’éviter la syndicalisation de l’un de ses sites. Le vote des salariés de Bessemer, dans l’Alabama, dont l’immense majorité est africaine-américaine, avait reçu une attention médiatique et politique inédite pour un tel scrutin comme il s’en déroule des centaines dans le pays chaque année. Bernie Sanders s’était rendu dans le Sud profond afin de soutenir le syndicat, tandis que, dans une vidéo, Joe Biden livrait, début mars, un plaidoyer prosyndical, sans nommer pour autant la multinationale.

Finalement, le RWDSU, le syndicat national de la distribution, n’a pas recueilli une majorité des voix des salariés, condition impérative aux États-Unis pour créer une section syndicale. Selon le dernier décompte, sur les 5 900 salariés, 1 798 ont voté non, contre 738 votes en faveur de la constitution. Plusieurs centaines de bulletins sont encore contestés, mais rien qui ne puisse faire basculer le résultat. « Nous sommes déçus, frustrés, énervés (…) parce qu’on nous a menti et manipulés », a déclaré Emmit Ashford, un des employés du site de Bessemer, à l’AFP. « ​​​​Mais c’est une étincelle qui a allumé un feu aux États-Unis. » De son côté, la direction de la société de commerce en ligne a évité tout triomphalisme : « Amazon n’a pas gagné, nos salariés ont choisi de voter contre le syndicat. Nos employés ont entendu beaucoup plus de messages anti-Amazon de la part du syndicat, d’élus et de médias qu’ils ne nous ont entendus, nous. » La firme dirigée par Jeff Bezos, désormais l’homme le plus riche du monde, a, en effet, pratiqué dans la discrétion.

Des salariés avaient raconté à la presse les réunions organisées par des « managers » : par petits groupes (pas plus de 15), les salariés étaient réunis, sur leur temps de travail, afin d’entendre le discours officiel. « Ils présentent de la propagande antisyndicale déguisée en informations factuelles », a témoigné l’un d’entre eux, requérant l’anonymat, au site AL.com. Non sans opposition. « Pourquoi Amazon nous truffe-t-il la tête avec ces “faits” à sens unique ? » avait lancé un des travailleurs. Réponse du manager : « Amazon est très claire sur sa position quant aux syndicats. » Voulant éviter à tout prix un précédent qui n’aurait pas manqué d’essaimer, la multinationale a voulu mettre tous les atouts de son côté. Elle a, par exemple, obtenu des autorités locales qu’elles réduisent le temps durant lequel les feux tricolores situés près de l’entrée de l’usine demeuraient au rouge : autant de temps en moins pour les militants pour distribuer des tracts aux salariés. Ces derniers ont reçu quantité de SMS et mails les appelant à voter non, affichettes dénonçant l’obligation de cotisation en cas de création d’un syndicat collées partout. La direction du site avait également dressé une tente avec une urne pouvant accueillir les bulletins, en contravention des règles.

Un pouvoir d’intimidation et de manipulation

Pour Stuart Appelbaum, président du syndicat, ce résultat « n’est en rien une validation des conditions de travail chez Amazon, au contraire, il démontre la puissance de l’employeur et son pouvoir d’intimidation et de manipulation ». Le RWDSU va d’ailleurs porter l’affaire devant le National Labor Relations Board, l’agence fédérale notamment chargée d’organiser ce type d’élections, afin de « déterminer si les résultats de ce vote doivent être rejetés, parce que l’attitude de l’employeur a créé une atmosphère de confusion, de coercition et de peur de représailles, et ainsi interféré avec la liberté de choix des employés », a-t-il fait valoir dans un communiqué. En attendant, le syndicat va se consacrer au millier de requêtes en provenance d’une cinquantaine d’entrepôts différents, principalement chez Amazon, afin de lancer la création d’une section syndicale. « Nous continuerons d’essayer, a affirmé à l’AFP Sondra Hill, une employée de l’entrepôt de Bessemer. Mais je ne crois pas que je vais continuer à travailler là encore longtemps. »

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